Group show I vidéo I animation I installation
Mohamed Bourouissa I Kim Byungkwan I Hyejin Kim | Isabelle Lévènez I Massinissa Selmani
Exposition du 14 mars au 16 mai 2015
Brunch et visite guidée pour enfants et adultes le dimanche 19 avril de 13h à 17h et atelier pour les enfants sur le thème de l'exposition avec Hyejin Kim.
Soirée de clôture le samedi 16 mai de 18h à 22h dans le cadre du printemps de l'art contemporain organisé par Marseille Expos.
Après deux premières expositions curatoriales entièrement dédiées au médium de la vidéo, l'une à travers des films et installations et l'autre spécifique à l'art numérique, j'ai voulu pour ce troisième projet toujours dédié à la vidéo, montrer mon attachement à un autre medium : le dessin
Le dessin matérialise les idées, et l’animation complète le sens en construisant un pont entre l’idée et l’action. Un dessin vaut mieux que mille mots et une animation marque plus les esprits que mille dessins.
L’animation vidéo a bercé notre enfance, nous avons tous nos références en la matière, de Walt Disney à Hayao Miyazaki et le genre n’est pas nouveau. De la Pantomime Lumineuse d’Emile Reynaud, et le premier dessin animé de James Stuart Blackton jusqu’aux récentes productions des studios Pixar ou Ghibli, cet exercice qui nécessite beaucoup d’effort et de technicité nous aura livré des chefs œuvres absolus, même si le genre est souvent dénigré et cantonné sous le titre d’art ludique.
« Dessine moi une vidéo « est une exposition qui réunie cinq artistes aux parcours et pratiques différents. je n'ai pas voulu traiter un sujet défini et d'enfermer le public dans une seule vision. J’ai simplement sélectionné des oeuvres qui nous laissent découvrir au gré du parcours de l'exposition des propositions variées ; poétiques, pertinentes ou engagées. C’est avec un éventail de sensibilités et une possibilité de voir le dessin autrement que de manière statique, que chacun de ces artistes nous propose une revisite du genre. En soustrayant la narration, en installant un univers propre à eux, et en instillant des références différentes, ils nous proposent une nouvelle approche plastique et contemporaine du dessin animé mais aussi de vidéo simplement liées au trait et suscitant ainsi l’univers graphique.
Cette exposition débutera à la même période que les foires et salons dédiés au dessin à Paris. La galerie participera à l’un d’entre eux ( Drawing Now ) et en parallèle proposera une autre vision du dessin dans sa programmation.
Karima Célestin.
Exposition d’art numérique
Julien Bayle | Kim Byungkwan | Dania Reymond | le collectif Universal Everything
Exposition du 19 janviers au 28 février 2015
Vernissage le samedi 17 janvier de 18h à 21h
Brunch et visite guidée pour les enfants le dimanche 8 février à 13h
L’idée d’un projet d’exposition autour de l’utopie numérique est née avec la certitude que cette année sera le début d'une période nouvelle et novatrice du point de vue technologique, annoncée par des néologismes prometteurs : Médecine exponentielle (Exponential Medecine), méga-donnée (big data), Ville nouvelle écologique (Ecocity).
L’ère numérique qui a démarré avec le début du siècle peut nous paraitre décevante à bien des égards. La révolution annoncée ne pointe pas encore son bout du nez une décennie plus tard. Même si Microsoft, Google, Facebook, Twitter ont pris une place importante dans notre quotidien, ils n’ont pas changé fondamentalement l’organisation de nos sociétés. Un temps promu comme vecteur de transformation et porteur de révolution, notamment lors des printemps arabes, la révolution numérique s’est transformé en autant d’épiphénomènes que d’applications plus ou moins utiles qui encombrent nos téléphones.
Et si la véritable révolution restait à venir ? Car les énormes capitaux que se sont dotés les entreprises high-tech comme Google ou les richissimesmonarchies du golf arabique, sont réinvestis massivement dans des projets beaucoup plus secrets et néanmoins prometteurs. Google X – life science, Calico, la ville nouvelle de Masdar, en sont des exemples parmi d’autres. Après la première déception de ce début de siècle, le numérique peut il nous faire croire ingénument à l’espoir d’un avenir meilleur ?
« Walking city » l’œuvre numérique 3D du collectif Universal Everything nous propose une relecture du 21eme siècle de l’idée proposée par l'architecte britannique Ron Herron en 1964. Dans un article paru dans la revue d'avant-garde d'architecture Archigram, Ron Herron propose des structures robotiques habitables de construction massive avec leur propre intelligence, qui pourraient se déplacer librement dans le monde, allant là où les ressources seraient disponibles ou nécessaires.
Cette œuvre a été montrée au festival arts electronica 2014 et a reçu le prix Pixars « Golden NICA ».
« Electronic Cities » l’installation numérique de Julien Bayle essaie de composer des morphologies urbaines. Cette installation est inspirée du cyber punk manga «Blame!» de Tsutomu Nihei, œuvre dans laquelle les villes se construisent presque par elles-mêmes. "Electronic cities" est l'ode algorithmique aux cités croissantes de manière organique. Ce travail de Julien Bayle résonne comme la matérialisation artistique de la réflexion de l’urbaniste britannique Michael Batty sur la croissance naturelle, organique ou planifiée des cités.
« Illusion Device » de Kim Byungkwan questionne notre rapport à l’apparence, morphologie changeante, le vêtement du futur pourrait aussi devenir odorant, amaigrissant, anti-polluant voir aide soignant et permettre de changer d’apparence instantanément. « Mickey Reset » vidéo d’animation en 3D nous rappelle les progrès a venir dans le domaine de la médecine régénératrice ou réparatrice.
La revisite de la « vue imaginaire de la grande galerie du Louvre en ruines », œuvre du XVIIIème siècle d’Huber ROBERT par Dania Reymond, à travers un long travelling virtuel, évoque la pérennisation des œuvres d’art grâce à la numérisation. L’entreprise titanesque de numérisation des œuvres d’art lancée par Google avec son Google Art Project sera l’un des meilleurs moyens de préserver et de partager les œuvres d’art à l’avenir.
Group show I vidéo I installation I photo
Kapwani Kiwanga I Bernard Pourrière I Dania Reymond I Mustapha Sedjal I Jeanne Susplugas I Michèle Sylvander
Exposition du 22 novembre au 27 décembre 2014
Vernissage le vendredi 21 novembre à 18 h
Brunch et visite guidée pour les enfants le dimanche 14 décembre de 13h à 17h.
Atelier pour les enfants sur le thème de l'exposition à 15h.
Exposition majoritairement composée de vidéos, marquera de manière certaine un tournant dans mon activité professionnelle.
Je l’ai conçu à partir de coups de cœur ; des œuvres d’artistes dont j'apprécie le travail depuis longtemps et aussi de récentes et belles découvertes.
Je souhaite aborder cette exposition comme un parcours qui résume les sentiments majeurs traités lors des expositions précédentes depuis deux ans et demi d'existence de ma galerie à Marseille.
Ainsi tour à tour, j’aborde les thèmes de la transmission, le manque de communication, l’angoisse, la douleur, l’enfermement, la libération...
Des propos, des univers ou des détails viennent tisser des liens entre les différentes œuvres et vous racontent ainsi le récit d'un voyage à travers la vidéo; medium qui caractérisera désormais le travail de la galerie.
Karima Celestin
Kapwani Kiwanga
Solo show I vidéo I installation
Exposition du 30 août au 18 octobre 2014
Vernissage le samedi 30 août de 16h à 22h en présence de l'artiste et dans le cadre de la nuit des galeries organisée par Marseille expos.
Brunch et visite guidée pour les enfants le dimanche 31 août de 13h à 17h.
Atelier pour les enfants sur le thème de l'exposition à 15h.
FLOWERS FOR AFRICA
Célébrations, dédicaces, commémorations, condoléances... voilà les actions, sentiments, et devoirs divers qu’emmagasine cette œuvre qui prévoit de se consacrer à rendre hommage à un continent tout entier. Flowers For Africa (Des Fleurs pour l'Afrique) est un projet en cours de Kapwani Kiwanga qui entend réinterpréter des bouquets et autres arrangements de fleurs et de plantes présentés pendant la transition vers l'indépendance (ou un événement historique connexe pour ce qui est de l'Ethiopie) dans ses 54 pays.
Comme à son habitude, Kiwanga s'est plongée dans une recherche de documents d'archives concernant les cérémonies officielles, les réunions, défilés ou les tables de négociation qui témoignent des différentes mises en scène de transfert de pouvoir au 20e siècle. Les preuves visuelles disponibles suggèrent que les formats variaient en fonction de la puissance coloniale sur le départ, allant de la haute diplomatie ou même du grand apparat royal lorsque les liens étaient avec le Royaume-Uni, à des cérémoniels plus bureaucratiques et sobres, ou même parfois la discrétion dans d'autres circonstances. Toute forme d'hospitalité a ses propres codes de spectacle et de décorum et le rituel de l'accueil implique généralement un étalage ou une offrande de fleurs. La gestion de ces cadeaux en arrière plan peut sembler insignifiante comparée au poids historique de ce qui est marqué pour l'occasion. Pourtant, il est intéressant de s'interroger sur les connexions de l'industrie horticole avec les flux et les accords commerciaux internationaux. D'où venaient les différentes fleurs sélectionnées? Étaient-elles indigènes ou livrées par avion pour l'occasion, et, dans ce cas, d'où venaient-elles, de quel climat et à quel prix? Les réponses à certaines de ces questions sont révélatrices du statu quo alors en vigueur, et des futurs développements des échanges économiques. Kiwanga collectionne des photographies datant de 50 ou 60 ans qui incluent ces arrangements floraux et, avec l'aide de fleuristes et d'autres experts, elle identifie les espèces probables. Les décisions qu'elle doit prendre pour une adaptation au présent impliquent nécessairement une connaissance accrue des spécificités de l'industrie aujourd'hui.
La première manifestation du projet Flowers for Africa de Kiwanga pris forme durant sa résidence à Dakar, Sénégal, pour préparer l'exposition « Cyclicités » curatée par le collectif On The Roof à la Galerie Le Manège en 2013. (1) L'installation était composée d'un vase, 70 oeillets, 20 anémones, de bougainvillier, ainsi que trois socles et plaques, basée sur des images trouvées aux archives nationales, aux archives du Ministère de la communication et de la bibliothèque d'images de l'I.F.A.N. (Institut Fondamental d'Afrique Noire). Fraîches et resplendissantes pour le vernissage, les fleurs ne sont pas spécialement préservées, laissant libre cours à leur cycle naturel. Comme dans la narration d'un conte, le passé est momentanément ramené à la vie pour être nouvellement considéré, jusqu'à la prochaine incidence. Un travail apparemment éphémère sur la mémoire, faillible, d'une grande richesse, comme l'oralité ou la photographie.
A l'occasion de cette exposition à la galerie Karima Célestin, « Fallible witnesses » (Témoins faillibles), une description écrite d'un bouquet dans une photographie relatant l'actualité de la Fédération du Mali (qui se sépare ensuite pour devenir le Sénégal et le Mali) évoque l'incarnation précédente du projet dans un mode plus conceptuel, mais d'ordre permanent. Quatre bouquets sont reconstitués faisant référence aux bacs à fleurs dans l'arrière plan d'un discours ducal au Tanganyika (l'actuelle Tanzanie) en 1961, aux bouquets suspendus dans un stade en Ouganda en 1962, aux glaïeuls portés en triomphe par Benyoucef Benkhedda en Algérie en 1962, au bol de fleurs coupées sur une table destinée à une négociation majeure entre Frelimo (Front de Libération de Mozambique) et le Portugal en 1975.
Le fait de se focaliser sur des détails en apparence mineurs au sein des processus d'officialisation des indépendances est associé à la tradition de la nature morte aux symbolismes complexes et chargés au sein de l'histoire de l'art. En effet, un des bouquets sénégalais était tricolore (bleu, blanc, rouge), composé pour être donné au président Charles de Gaulle.
Une autre œuvre présentée dans cette exposition est la vidéo intitulée Vumbi (Poussière, 2012), filmée au bord d'une route rurale en Tanzanie. Kiwanga nettoie méthodiquement la poussière rouge déposée sur un buisson, révélant une bande verticale de verdure. Les fleurs font souvent parties des ingrédients d'un foyer, du bien-être domestique, pour leur pouvoir de réconfort malgré leur fragilité et leur impermanence. Une forme de catharsis créative est à l'œuvre.
« La culture est le miroir d'une communauté en mouvement. La culture est pour la communauté ce que la fleur est pour une plante. Une fleur est très belle à voir. Mais elle est le résultat des racines, du tronc, des branches et des feuilles. Mais la fleur est spéciale puisqu'elle contient les graines qui sont l'avenir de cette plante. Tout en étant le produit d'un passé dynamique, elle est prégnante du lendemain. » Ngũgĩ wa Thiong'o (2)
Caroline Hancock
Août 2014
Notes
1. « Cyclicités », Galerie Le Manège, Dakar, Sénégal, février-mars 2013. Curatée par On The Roof (Elise Atangana, Yves Chatap, Caroline Hancock). Avec des œuvres de Steeve Bauras, Victor Omar Diop, Kapwani Kiwanga.
2. Ngũgĩ wa Thiong'o, « Speaking My Language », discours à l'occasion de la remise des prix littéraires du Sunday Times, 2012. Accessible le 17/08/14 : http://bookslive.co.za/blog/2012/06/25/speaking-my-language-ngugi-wa-thiongos-address-at-the-2012-sunday-times-literary-awards/
Dennis McNulty I Pierrick Naud I Bernard Pourrière I Sami Trabelsi
Group show I vidéo I installation I dessin I photo I sculpture
Exposition du 29 mai au 12 juillet 2014
Vernissage le vendredi 30 mai à 18h, performance de Bernard Pourrière accompagné du musicien Daniel Roth à 20h.
Brunch et visite guidée pour enfants et adultes le dimanche 29 juin de 13h à 17h
Atelier pour les enfants sur le thème de l'exposition à 15h.
Semaphore II
Après avoir exploré les différents sentiments qu’évoquent les sémaphores : ces bâtiments côtiers dont la fonction principale est de guetter les dangers en provenance de la mer ; J’ai décidé d’aborder le deuxième volet de cette exposition avec comme fil conducteur les sémaphores pris au sens de moyens de communication.
Lors de cette exposition collective qui fait partie du programme du printemps de l’art contemporain à Marseille, je présente les œuvres des plasticiens Pierrick Naud, Dennis McNulty , et Bernard Pourrière, qui ont trait à ce sujet. A travers leurs analyses, par des points de vues différents et complémentaires : qu’ils soient biologiques, anthropologiques, sociologiques ou technologiques, les artistes invités mettent en exergue l’importance et l’omniprésence des vecteurs de communications dans notre monde d’aujourd’hui. Cela à travers le scenario où ces vecteurs viendraient à s’interrompre ou à disparaître de façon brutale. Quelles en seraient alors les conséquences, voir les aberrations que cette situation peut provoquer ?
Houston we’ve had a problem.
Cette phrase fut prononcée par l’un des astronautes de la mission lunaire Apollo 13. Elle faisait suite à un long moment de silence radio imposé par l’interruption de tout signal relatif au passage du module lunaire en orbite derrière la Lune. A l’angoisse liée au manque de communication (ou d’information) succède alors, l’inquiétude et le stress dût à l’annonce de la mauvaise nouvelle.
De nos jours, l’omniprésence des signaux transmettant nos images, nos sons et nos positions géographiques, accentue ce sentiment d’angoisse lorsque ces mêmes signaux viennent à s’interrompre. L’actualité nous l’a tristement rappelé avec la disparition mystérieuse du vol MH 370 de la Malaysian Airlines.
Un signal reçu de façon régulière a quelque chose de rassurant et installe ainsi une normalité. La rupture, voir la perturbation des signaux, qu’elle soit dans le domaine technologique ou biologique, rompt cette normalité et nous transpose dans un monde d’instabilité sujette à des mutations inquiétantes et dangereuses.
L’univers onirique que Pierrick Naud nous présente, est peuplé de chimères, d’éléments en pleine mutation. Dans son monde, l’homme, l’animal et le végétal se croisent, se mêlent, s’effacent l’un au détriment de l’autre. Des sujets rendus impersonnels s’estompent dans leurs extrémités, soulignant le caractère fragile de ces êtres. Des oiseaux de mauvais augure, gazouillent à l’oreille des personnages, distillant ainsi la paranoïa dans un univers déjà oppressant. Un monde pas si éloigné du notre, que l’on constate avec l’Internet et ses services. Derrière l’anonymat d’un pseudonyme ou d’un avatar, derrière son pare-‐feu, on découvre soudain que l’on est en permanence scruté, analysé, traqué. L’anonymat est un leurre, on laisse derrière nous constamment des traces de soi, à tel point que c’est le contraire qui peut paraître suspect. Quelqu’un qui n’accepte pas le principe de la suivie à la trace, a forcément de mauvaises intentions.
Les oiseaux de bonnes et mauvaises augures ont aussi changé de forme : désormais c’est à coup de SMS ou de Tweets que l’on annonce les bonnes ou mauvaises nouvelles.
La vidéo Moon Bounce (2013) de Dennis McNulty est le point de rebond et la source d’inspiration pour la conception de cette nouvelle exposition. Elle fut d’abord présentée dans le cadre de l’exposition « Transmission » dont la commissaire Caroline Hancock dit : « cette vidéo, est inspirée d'une expérience des tactiques de propagation d'ondes radios par réflexion sur la Lune. L'échange d'information est recherché par un système électronique et le contrôle du rapport signal sur bruit. McNulty s'intéresse entre autre aux découvertes du pionnier Claude Shannon mises en œuvre à Bell Labs et MIT et maintenant usitées à travers le globe. Ici le SIGNAL « émis » est rendu inaudible, ou plutôt illisible. Par l'action d'une personne en converses, le mot inscrit au sol au pochoir est recouvert très progressivement du même sable calcaire qui le constitue. Ce matériau de construction fait allusion aux disjonctions de la bulle immobilière, aux planifications urbanistiques et architecturales démesurées. La fréquence s'affaiblit et se trouble. La retransmission est rompue et reprend, en boucle. ».
Avec la vidéo « le bras long » Bernard Pourrière manipule des tiges en fer munies de capteurs, qui sont connectés à un programme informatique qui gère du son. Il s’agit d’une composition sonore ou le performeur s’inspire des signes du sémaphore pour écrire la structure de cette partition gestuelle. Le signe n’est plus connoté mais relève plutôt de la présence du corps et des gestes à l’espace donné, le sémaphore est détourné de sa fonction première.
En effet le performeur par ses gestes et ses mouvements s’approprie ces signes pour en donner une version sonore à la recherche d’un son précis. Il joue, avec un autre langage, des chants d’oiseaux qu’il transforme, en modifiant la durée, la vitesse, les fréquences et la tonalité. La fatigue et la lassitude aidant, les séquences répétitives perdent en précision et régularité : tel une onde choc qui perturberait un signal d’une fréquence bien établie par une interférence.
Karima CELESTIN
Mustapha Sedjal
Solo show I vidéo I installation I dessin I sculpture
Exposition du 15 mars au 03 mai 2014.
Vernissage le samedi 15 mars à 18h.
Brunch et visite guidée pour enfants et adultes le dimanche 13 avril de 13h à 17h.
Atelier pour les enfants sur le thème de l'exposition à 15h en présence de l'artiste.
La feuille de papier. La page blanche. Vide ? Voilà le sujet et l'objet de cette nouvelle exposition de l'artiste d'adoption clichoise, Mustapha Sedjal. S'agit-il d'en disposer, ou de la remplir ?
Ce matériau n'a rien de nouveau dans son œuvre où le dessin et le bateau plié en origami sont des constantes. Néanmoins cette fois, le percement remplace le trait, et le froissement informe prédomine sur toute représentation.
Des supports en papier sont poinçonnés minutieusement à l'aiguille pour créer diverses séries de dessins en fragments. Le relief est perceptible sur la surface. Comme des piercings ou des scarifications, une peau est marquée. Des mains sont expressives mais muettes, comme frappées de l'amnésie potentielle qui hante Sedjal. La question de la mémoire et de l'histoire, et des dangers de leur effacement, ont toujours été au cœur de son labeur d'artiste. Le suivi des pointillés et le colmatage d'une absence peuvent-ils conduire à la suture ? Ailleurs, une odalisque partage une page avec un tirailleur sénégalais dans un amalgame de clichés inspirés de Peau Noire, Masques Blancs (1952) de Frantz Fanon dont on citera l'extrait signifiant suivant : « Si le Blanc me conteste mon humanité, je lui montrerai, en faisant peser sur sa vie tout mon poids d’homme, que je ne suis pas ce 'Y a bon banania' qu’il persiste à imaginer. »1 Banania est la marque française de chocolat en poudre dont le packaging et les campagnes publicitaires furent longtemps ancrés dans l'univers colonial. Sedjal convoque justement ces persistances et suggère ainsi à quel point il est urgent de revisiter ce « chaos bordélique »2 et de lutter contre les dérives à répétitions3. On pourrait les rapprocher desCollages (2011-2012) de Kader Attia.
Le système a besoin d'une mise à jour. The System Needs An Update : ce passage par la langue anglaise dans le titre de l'exposition apparaît comme une possible tactique pour se distancier du poids de l'histoire coloniale de son pays d'origine, l'Algérie. Kateb Yacine décrivait la langue française comme le « butin de guerre » des Algériens. Sedjal se saisit de cette complexité et en souligne les traces. A l'aune des nouvelles élections présidentielles algériennes imminentes, il semble insinuer qu'elles sont une étape parmi d'autres, que les « printemps » sont le début d'un cycle, et que le néocolonialisme n'est que trop présent. Dans sa vidéo Echo datant de 2012, il citait déjà un extrait du film La Bataille d'Alger de 1966 : « Tu sais, Ali, commencer une révolution n'est pas facile, la continuer est plus difficile. La gagner encore plus. Mais ce n'est qu'après notre victoire que commenceront les vrais difficultés. En un mot, il y a encore beaucoup à faire. »
En témoignage d'un vécu personnel, Sedjal a réalisé le 1er novembre 2012 la performance Un Seul Héros, le Peuple... mon père. Inspiré par une photographie des graffitis sur les murs de la ville d'Alger prise par Marc Riboud le 2 juillet 1962, Sedjal a rejoué et détourné l'inscription de cette phrase peinte en noir d'ordre révolutionnaire dans le cadre de l’exposition Amnesia à la galerie Karima Célestin (où elle est encore visible à ce jour).
Dans la nouvelle vidéo à dessein... (2014), les plans alternent entre une pile de papiers, le froissement même, la consultation attentionnée d'un cahier qui est vide et sa fermeture abrupte. Ces focalisations sur des actions manuelles performées rappellent les œuvres de Bruce Nauman ou, plus récemment, Jimmy Robert par exemple. Le son capte le travail, la cadence, la détermination, le bruit du papier manipulé. Sedjal parle d'une feuille de route et de déroute. La volonté est mise à l'épreuve d'une abstraction en continu. Quand pourra-t-on s'émanciper de la pensée unique quelle qu'elle soit ?
Caroline Hancock
Février 2014
Notes
1. Paris, Les Éditions du Seuil, 1952, p. 206-7.
2. Ce terme fut utilisé par l'artiste dans un entretien avec A. Walid, « L'artiste face au chaos social. Vers une esthétique bordélique », La Voix de l'Oranie, 30-31 mai 2001.
3. Des accrochages comme celui de la salle intitulée « Odalisques modernes » dans Modernités Plurielles (2013) au Centre Pompidou à Paris mériteraient sans doute une interrogation profonde.
Félix Pinquier
Exposition monographique
Introduction par Etienne Hatt
Artpress, octobre 2013
Félix Pinquier produit des « énigmes sensorielles » qui instaurent le silence pour explorer le phénomène sonore.
En 2010, Relâche clôturait la scolarité de Félix Pinquier dans l’atelier du sculpteur Richard Deacon à l’École nationale supérieure des Beaux-Arts de Paris. La vue partielle de l’exposition montre d’étranges objets épars. En bois, plâtre, ciment, plomb, métal et caoutchouc, ils sont produits par moulage de tubes, tuyaux, entonnoirs, objets industriels et coffrages conçus par l’artiste. Le processus est modulaire, combinatoire et cumulatif. Il vise à créer un répertoire de formes réutilisables dans un même objet ou d’une sculpture à l’autre, parfois dans d’autres tailles ou matériaux. Dynamo (2010), moulage en plâtre ici accroché au mur du fond, dérive de Sonars (2008), chaine de volumes en carton posés au sol, et sera, ailleurs, tiré en fonte d’aluminium. Les objets n’ont ni statique ni statut définitifs. Ils pourront être posés différemment ou perdre leur autonomie initiale et s’agréger en installation, comme ceux réunis ici par une plate-forme, qui n’est pas un socle mais un espace dans l’espace, un terrain de jeu et d’expérimentation.
Les séries de dessins réalisées depuis lors par Pinquier participent de son travail de sculpteur. Qu’il s’agisse de dirigeables, de brise-lames ou d’hélices, l’artiste choisit ses motifs pour leur volumétrie. Il les dessine d’après des photographies, souvent anciennes, dont, il reprend, dans la série Aérolithes (2012), les mises en pages décentrées et les points de vue dynamiques. D’autres dessins combinent plusieurs formes et modes : restitutions hyperréalistes de volumes, schémas tirés des propres sculptures de l’artiste et signes typographiques. La page dessine alors une constellation qui est aussi une syntaxe.
Les oeuvres de Félix Pinquier semblent entretenir un rapport étroit au réel. Celui-ci tient au procédé de l’empreinte et de la copie, mais aussi au rapprochement possible entre ces formes et les objets du quotidien. Dynamo fait penser à une pendule. Ceux que l’artiste appelle ses « objets domestiques » semblent manipulables et utilisables comme les ustensiles ou les meubles qu’ils évoquent. Tel est le cas d’Assises (2010). Le titre et la forme de ces deux petites pièces de bois et de plâtre visibles au centre de la plate-forme en feraient des tabourets, mais pas leur taille. Car Pinquier introduit des perturbations qui interdisent toute fonction à ses objets réduits à des simulacres ou à des machines absurdes héritières des oeuvres mécanomorphes de Marcel Duchamp et Francis Picabia.
L’artiste joue avec le réel comme il joue avec les mathématiques. En effet, il écrit ses formes en définissant des protocoles fondés sur des suites numériques. La sculpture Parcours (2010) repose ainsi sur la répétition de la suite arbitraire 5, 2, 3, 4 et 1, les chiffres correspondant ici à des hauteurs différentes. Un tel usage des mathématiques fait bien sûr penser à François Morellet. À cet égard, le titre Relâche lui rend hommage et, à travers lui, à Picabia. Au-delà de leur caractère ludique, les nombres ont aussi à voir avec la musique qui est, pour un praticien comme Pinquier, comptage des mesures et du rythme. La pièce Trois pour quatre (2010), moulage de plâtre marqué par trois gorges d’un côté et quatre de l’autre, renvoie ainsi à la polyrythmie et au déphasage. Mais Pinquier ne saurait réduire la musique à un décompte.
Pourtant, à la suite de Christian Marclay dont il fait siens les propos, il sait que représenter la musique et, plus généralement le son, est « toujours une sorte d’échec. Car le son est immatériel et l’évocation du son par la vue exclura toujours l’ouïe (1) ». Parcours tente néanmoins de dépasser cette aporie. Le profil de la sculpture évoque, certes, les transcriptions graphiques des sonagrammes. Mais il rappelle surtout les courbes discontinues de l’ « écriture sonore » de Rudolf Pfenninger, un des inventeurs du son synthétique dans les années 1930. L’objet se fait notation musicale, voire partition. Surtout, Pinquier, qui est trompettiste, remonte au fondement du son : l’air, sa vitesse et ses vibrations qui occupent une place essentielle dans ses recherches récentes. Station (2013), sculpture de cuir tendu sur une structure en métal, évoque ainsi le soufflet d’un accordéon et le pavillon d’une trompette. La sculpture devient instrument.
Pourtant, ces objets sont paradoxalement statiques et muets. Pinquier tire les conséquences de l’aporie énoncée plus haut : « un objet ou une image qui tente de représenter une sonorité devient involontairement la représentation de son absence (2) ». Aussi, ses oeuvres semblent-elles même instaurer le silence. Les tubes à air sont, par exemple, remplis par cette matière sourde qu’est le béton (l’artiste parle de « remplaçage »). Les oeuvres sont d’autant plus silencieuses que l’artiste a, par le passé, expérimenté le son et le mouvement réels. Parmi ses oeuvres sonores, la vidéo Phonography (2008) associait des bouches animées en stop motion et une bande son chantante et rythmée formée d’onomatopées. Pourquoi, alors, avoir abandonné l’art sonore et se risquer à explorer le son dans des oeuvres silencieuses ? La réponse réside dans la fascination de l’artiste pour la synesthésie et la capacité de suggestion mutli-sensorielle d’un objet visible. Il écrit, en effet : « Le visible ne suffit pas pour comprendre ce qui est vu. Le visible ne s’interprète qu’en référence à l’invisible. Ce que l’on voit ne sera donc jamais ce que l’on entend et pourtant […] on sait que les sensations ne sont pas exclusives. (3) »
(1) Félix Pinquier, « L’objet du silence ou l’inversion du problème », 2010.
(2) Id.
(3) Félix Pinquier, « Note à propos de Relâche », 2012.
Group show I vidéo I installation I dessin
Antonio Cantador et Carla Cruz I Kapwani Kiwanga I Dennis McNulty I Charlotte Moth I Raffaella della Olga
Sur une proposition de Caroline Hancock
Exposition du 5 novembre au 22 décembre 2013
Vernissage le mardi 5 novembre à 18h en présence des artistes.
Brunch et visite guidée pour enfants et adultes le dimanche 22 décembre de 13h à 17h. Atelier pour les enfants sur le thème de l'exposition à 15h.
La connaissance, qu'elle soit innée, incarnée, apprise, imposée ou recherchée, et les moyens de la transmettre font parties des pierres fondamentales dans la réflexion des artistes ici présents.
Tels des passeurs, ils compilent différents documents, des évidences, des formes, des preuves, des récits fictionnels et des gestes pour exprimer leur rapport au monde et à l'art. Ils œuvrent plutôt dans la jointure, dans les zones de l'infra-mince oublié ou celles des clichés énormes et gênants, s'intéressant à ce qui disparaît, avec ou sans nostalgie, dans des mouvements de relecture sans fin.
Le choix de la transmission comme sujet est avant tout un hommage au travail de l'artiste Ymane Fakhir qui est à l'origine de la possibilité de ce projet. Les hérédités matérielles et immatérielles, socio-culturelles et familiales, sont au cœur de son œuvre d'une grande sensibilité. L'autre phare qui éclaire ce rassemblement est l'inauguration toute récente du MuCEM, le Musée des Civilisations d'Europe et de la Méditerranée, à Marseille. Les musées de société et leurs croisements avec l'art contemporain sont des terrains si fertiles. Les visites du précédent Musée des Arts et Traditions Populaires (les « ATP », pour l'étudiante de l'Ecole du Louvre que j'étais) à Paris, implanté au Bois de Boulogne des années 1970 jusqu'en 2005, restent une grande inspiration. La revue DOCUMENTS, dont les 15 numéros furent publiés à Paris entre 1929 et 1931. L'un des éditeurs principaux était Georges Bataille, alors qu'il travaillait au Cabinet des médailles de la Bibliothèque nationale. Dans son texte intitulé « Informe » pour le dictionnaire critique du numéro 7 de 1929, il écrivit sur la besogne des mots. Cette notion de fonctionnalité, de la tâche ou valeur d'usage des mots ou des œuvres d'art est importante dans ce qu'elle implique d'utilité potentielle de l'acte de transmission d'un message pour les acteurs, récepteurs, spectateurs ou auditeurs.
Deux propositions ont un lien direct avec l'économie et les transmissions monétaires dans la société. Ces artistes abordent ce problème contemporain brûlant qu'est la crise par l'analyse des langages et outils disponibles, et l'imagination de détournements ou même d'autonomie possibles. Où sont les valeurs de la transmission par le commerce ? Y-a-t-il une réalité concrète à cerner, ou sommes-nous face à une masse informe et intangible ?
Caroline Hancock
Julie Darribère Saintonge
Solo show I vidéo I installation I dessin I photo
Exposition du 31 août au 12 octobre 2013
Vernissage le samedi 31 août de 16h à 22h et nuit des galeries dans le cadre d'art-o-rama.
Brunch et visite guidée pour les enfants le dimanche 22 septembre de 13h à 17h.
On a souvent joué sur la polysémie du mot « amateur », notamment en remontant à la racine : celui/celle qui aime. Or si Julie Darribère Saintonge revendique un certain intérêt pour une pratique amateur, c’est sans doute qu’autre chose est en jeu. A l’origine des formes et des figures qu’elle utilise se trouve en général un médium ou une technique particu- lière exécutée en réduisant au maximum les intermédiaires.
Réduire les intermédiaires cela implique plus de contrôle et de liberté, mais aussi moins d’expertise. Il faut donc tâtonner, expérimenter des gestes, les limites physiques, matérielles ou chimiques.
Concrètement, ces derniers mois Julie Darribère Saintonge a par exemple réalisé de nombreux essais utilisant d’anciens procédés de tirage photographique : cyanotype ou tirage au papier salé.
Ces techniques archaïques sont réservées maintenant à quelques passionnés, essayant de reproduire scien- tifiquement des gestes inusités. Mais Julie Darribère Saintonge s’emploie à tester les limites de ces procédés, cherchant le point précis où pour un cyanotype par exemple, la teinte bleue typique vire vers un marron indéterminé.
Pareillement, si la littérature et l’écriture ont toujours accompagné ses travaux, c’est finalement au travers du travail de la pâte à papier, du matériau constitutif de la page, qu’elles apparaissent de la manière la plus probante.
Une pièce ancienne annonçait déjà ce geste, quand elle effaçait un texte de Tarkos, puis écrivait dans les interlignes, pour assembler le tout dans un livre semblable en tout point à l’original publié chez P.O.L., mais on l’aura compris, réalisé entièrement à la main. Le titre de sa première exposition monographique laisse en- tendre qu’il existe une certaine filiation avec cette pièce plus ancienne : Marginalia, ou les notes manuscrites en marge d’un texte.
Mais l’artiste porte aujourd’hui son attention toute entière sur le matériau même, et c’est désormais dans une forme plus directe que l’on retrouve le lent travail d’effacement et de recréation d’un texte subliminal.
Sans doute pourrait-on y voir une certaine nostalgie voire un fétichisme du geste artisanal. Pourtant ces in- terrogations recoupent des questionnements bien actuels à l’heure de l’open source, de l’imprimante 3D et des fab-labs. Ces technologies de pointes évoluent dans un nouvel écosystème, s’adaptant à l’individu plutôt que l’inverse, et s’inventent au fur et à mesure de leur usage, de main en main.
Qu’elle soit revendiquée ou non par l’artiste, la coïncidence ne saurait être fortuite.
Comme on l’aura remarqué, de prime abord au vu de la photographie Pawtuxet qui sert à illustrer l’exposition , la main tient un rôle central, non seulement dans l’agencement des pièces présentées ici à la galerie Karima Celestin, mais bien au-delà dans le travail de Julie Darribère Saintonge en général.
La main c’est l’intelligence de la matière, c’est l’art en train de créer empiriquement ; c’est aussi l’intimité et l’empreinte unique d’un individu. La main est autant un outil distancié qu’un nœud qui garde enfouis souvenirs et émotions. D’ailleurs les gestes du quotidien ou les gestes du professionnel ne sont-ils pas automatisés et sédimentés comme nos souvenirs enfouis ?
Julie Darribère Saintonge, qui avant ses études aux Beaux-Arts de Paris a étudié la danse contemporaine, le sait bien : pour voir un geste dans toute son ampleur, il faut le débarrasser de ses habitudes. Il faut alors repérer ce que l’on ne sait plus voir après tant de répétitions, pour que le geste s’effectue comme s’il n’avait jamais existé auparavant et se révèle enfin.
Ce travail n’est pas très loin de celui du travail psychanalytique, qui consiste à ajourer l’enfoui, l’assimilé, pour pouvoir passer outre et redevenir, à soi-même, lisible.
Pareillement si la page est devenue blanche, c’est qu’elle a été littéralement débarrassée de l’encre des textes qu’elle a portée. Mais de toute évidence, ce vide est surtout plein de toutes ces expériences qu’a traversées l’artiste.
Florent Delval
Group show vidéo I installation I dessin
Ammar Bourras I Cari Gonzalez-Casanova I Toufik medjamia I Félix Pinquier i Bernard Pourrière I Mustapha Sedjal
Exposition du 17 mai au 20 juillet 2013
Brunch et visite guidée pour les enfants le dimanche 19 mai de 13h à 17h , atelier pour les enfants sur le thème de l'exposition à 15h.
« Les mers se soulèvent et se tranquillisent à son gré ; le ciel s’obscurcit, l’éclair s’allume, le tonnerre gronde, la tempête s’élève, les vaisseaux s’embrasent ; on entend le bruit des flots, les cris de ceux qui périssent ; on voit…, on voit tout ce qui lui plaît » dit Diderot en parlant de Joseph Vernet, (peintre régional du 18eme siècle). Quelques siècles plus tard nos angoisses, notre appréhension, nos espoirs et nos envies d’aventures restent inchangés face à la mer.
Les sémaphores: ces bâtiments côtiers construits à des fins de surveillance maritimes, en sont les témoins silencieux. Lieux d’observation, ils guettent le danger, source d’angoisse et de peur. Centres de coordination du trafic maritime et d’organisation des secours, ils entretiennent l’espérance et sont pourvoyeurs de joie ou de malheur selon la nature du dénouement de l’incident. Points de vue exceptionnels sur l’horizon, ils nous offrent des paysages propices à l’émerveillement et à la plénitude.
Ce premier volet de l’exposition « Sémaphore », conçue en deux parties par Karima Célestin, ne se veut pas thématique mais s’inscrit dans un registre émotionnel, où les artistes participants: Bernard Pourrière, Cari Gonzalez Casanova, Félix Pinquier, Mustapha Sedjal, Toufik Medjamia et Ammar Bou- ras, questionnent à leurs façon ce rapport de nos sentiments face à la mer.
D’une vision poétique que lui inspirent ces bâtiments, Félix Pinquier, en extrait des objets iconiques prompts à la contemplation énigmatique. La représentation mortifère de l’installation de Toufik Medjamia exacerbe le désespoir du spectateur.
Les oeuvres de Cari Gonzales Casanova s’inspirent du contexte paranoïaque et historique de l’après guerre pour distiller la peur et l’angoisse. Mustapha Sedjal, met en avant notre sentiment d’impuis- sance et de fragilité face à notre propre destinéet. Bernard Pourrière, quant à lui, nous transmet un malaise oppressant avec son installation sonore. Ammar Bouras évoque par sa vidéo cette mer qui fait tant rêver et qui engloutit tant d’espoirs. La deuxième partie de cette exposition sera présentée en mai 2014, et abordera l’aspect des sémaphores en tant que moyens de communication.
Anabelle soriano
Solo show I dessin I installation I sculpture I photo
Exposition du 06 avril au 11 mai 2013
Brunch et visite guidée pour enfants et adultes le dimanche 28 avril de 13h à 17h.
Après un premier cycle à l’Ecole d’Architecture de Lyon, Anabelle Soriano a poursuivi ses études aux Beaux Arts d’Angoulême puis de Paris. Cette réorientation vers les Arts Plastiques s’explique par une volonté d’exprimer plus librement sa créativité, notamment dans ce qui, en architecture, l’a toujours stimulée: la plasticité la poétique de l’espace.
En parallèle elle a toujours pratiqué l’escalade, en milieu naturel et artificiel, jusqu’à en faire sa deuxième activité professionnelle avec les arts plastiques. Au-delà de l’aspect sportif, cette expérience a forgé chez elle une manière particulière d’appréhender l’espace, enrichie par ses premières années d’études en architecture. Vertige, perte de repères et d'orientation, rapports d’échelle, points de vue, gravité, pesanteur, équilibre, instabilité, risque, engagement...autant de notions souvent au cœur de ses recherches.
Sculpture, dessin, performance, vidéo, sont autant de domaines à travers lesquels Anabelle Soriano s’exprime. Ses productions sont fréquemment issues de formes géométriques simples et épurées ainsi que de structures architecturales, mais lors de sa dernière exposition personnelle à Paris en 2011, sa démarche s’est ouverte à d’autres recherches. Ces dernières sont davantage tournées vers l’univers minéral et les processus de transformation géologiques (érosion, stratification, cristallisation). En conséquent de nouvelles formes ont vu le jour, plus organiques et empiriques.
Pour cette nouvelle exposition, Anabelle tente de faire converger ses deux approches l'une vers l'autre; d'où son titre "arrondir les angles".
Group show I dessin I installation I sculpture I peinture I vidéo I performance.
Sur une proposition de Lydie Marchi
Denis Brun I Caroline Hanny I Pascal Martinez I Pascal Navarro I Nicolas Pincemin I Emmanuel Régent I Javiera Tejerina-Risso I Damien Valero
Exposition du 01 au 24 mars 2013
Vernissage le jeudi 28 Février à 18h
Brunch et visite guidée pour enfants et adultes le dimanche 24 mars de 13h à 17h.
L’histoire de la symbolique du noir est parcouru d’ambivalences. Le noir est, tour à tour, la couleur de la fertilité, de la tempérance, de la dignité ou de l’autorité et de la puissance puis de la mort, des enfers et des ténèbres, de la piraterie ou de l’anarchie. Ces symboliques transparaissent alors dans le costume que revêt l'ecclésiastique, le
policier, le SS, le surveillant, l'avocat, le juge, etc. Le noir évoque également la sobriété et l’élégance, la fameuse petite robe noire, depuis quelques décennies mais également une certaine idée de la modernité. Il est le signe des avant-gardes et de la table rase. Comment réaliser une exposition avec le noir, en tant que fil conducteur, sans citer Malevitch, Soulages ou Ryman ? Ou le “sfumato” de Léonard de Vinci ? Le clair obscur du 17ème siècle de Caravage à Velasquez ? Ou encore "l’homme au turban Rouge” de Van Eyck dont le vêtement fait corps avec le fond du tableau ne mettant en lumière que l’expression sévère du commanditaire ?
Pour autant, quasiment aucune des oeuvres sélectionnées ne fait référence à ces chef-d’-oeuvres. “Le noir vous va si bien” proposera une lecture de sentiments véhiculés par la couleur noire dans l’imaginaire collectif : l’élégance par les propositions de Caroline Hanny et Denis Brun; la tristesse et la mélancolie, voire même le deuil, par celles de Pascal Martinez, Pascal Navarro, et Damien Valero; le sentiment de désolation par la toile de Nicolas Pincemin; la puissance des éléments par les propositions d’Emmanuel Régent et Javiera Tejerina-Risso. En" n, l’exposition sera ponctuée d’un “petit diable noir” en la présence d’une céramique à l’esthétique “cocasse” de Denis Brun.
Cette exposition appartient à un projet de commissariat d’exposition intitulé “Suite” se déroulant en plusieurs temps. Il joue sur une temporalité nettement plus longue que celle d’une exposition et est écrit tel un roman feuilleton.
Ce dernier serait d’ailleurs légèrement absurde. Les épisodes en seront mélangés et s’agenceront au fil du temps sans pour autant que les expositions ne se déroulent dans l’ordre de la narration. “Le noir vous va si bien” est
le premier épisode de “Suite”*.
Lydie Marchi, commissaire d’exposition indépendante, janvier 2013
Sami Trabelsi
Solo show installation vidéo I photo
Exposition du 11 janvier au 23 février 2013.
Brunch et visite guidée pour enfants et adultes le dimanche.
Comme un hymne à la mythique vie provençale : « Summertime » l’exposition monographique de Sami Trabelsi, suggère la torpeur estivale qui fait que le temps semble se figer progressivement.
Par ailleurs, l’espace de la galerie, caractérisé par cette luminosité qu’offre ses baies vitrées, s'est revélé un vrai challenge à accueillir une exposition dont le medium majeur est la vidéo.
L’exposition quand à elle, fut organisée telle une progression chronologique, On y voyait le travail photographique de Sami Trabelsi évoluer vers la vidéo, à la suite d’une succession d’heureux hasards lumineux que l’artiste désigne sous le terme « d’accidents » et qui finiront par être complétement intégrés par la suite.
En pratiquant la photographie en continue, combinée à des prises de vue avec un deuxième appareil photographique, l’artiste essai de maitriser ces accidents et de faire le lien entre l’instant photographié et la succession de ces instants qui en font un film.
Avec son autre projet de film « Saïdia » l’artiste s’essaye au slow motion afin de multiplier les probabilités de provoquer ces « accidents » et capter ainsi beaucoup plus de ces images impromptues.
Tout ceci l’incite à passer « à la vitesse supérieure » quand Guitemie Maltonado lui propose de travailler avec le chercheur Bruno Andreotti, afin de réaliser au sein de l’école Paris Tech, un projet à la camera rapide pouvant capter jusqu’à 2 000 images par seconde. L’artiste va donc travailler avec un scientifique et réaliser des portraits comme dans une cabine de photomaton. Ces instants très courts (2,7 secondes) projetées à l’aide de vidéos de 3,50 minutes permettent de montrer avec un ralenti extrême, une succession presque infinie de ces « accidents ».
L’exposition « Summertime » de Sami Trabelsi, nous montre le processus très intéressant que l’artiste a développé dans son travail, ce travail qui au delà de son esthétique certaine, et de sa technique maitrisée, nous offre un moment d’apaisement, d’émotion qui incite à la contemplation et à se confronter à un nouveau rapport au temps.
Group show I dessin I peinture I installation vidéo I performance
Dalila Dalléas Bouzar I Ammar Bouras I Mustapha Sedjal
Exposition du 01 novembre au 23 décembre 2012
Performance de Mustapha Sedjal le 01 décembre à 16h.
En ce cinquantenaire de l’indépendance algérienne, les différentes manifestations commémoratives ont démontré que les enjeux mémoriels sont plus que jamais prégnants entre la France et l’Algérie. L’exposition collective Amnesia organisée par Karima Célestin nous permet d’appréhender ces moments de l’histoire à travers le regard de trois artistes algériens de parcours et de générations différents laissant penser que ni le temps, ni le déplacement par la contrainte de l’exil ou le choix de l’émigration ne semblent atténuer la nécessité de témoigner de ce processus.
Dans une analyse du film Nuit et brouillard du cinéaste Alain Resnais, le critique François Niney se demandait comment rendre compte de la mémoire d’événements douloureux sans tomber dans la surexposition ou le coma, exercice qui se révèlerait périlleux lorsqu’il est soumis à la représentation. C’est ainsi que Dalila Dalléas Bouzar, Ammar Bouras et Mustapha Sedjal tentent de « recharner » l’histoire de l’Algérie à travers cet acte fondateur que fut la guerre de libération, invitant à considérer pleinement l’assertion de Paul Ricœur : «Imagination et mémoire ont pour trait commun la présence de l’absent». S’attelant à défaire les nœuds du récit, à en (re)construire le sens par l’image, les trois artistes ont pour point commun le recours aux documents d’archives. Cette pratique contemporaine semble s’inscrire dans un besoin, et même peut-être dans une urgence de mémoire. En effet, en confrontant, en déplaçant ou en associant l’archive à l’œuvre, les artistes, dans une démarche quasi-ethnographique, déploient un faisceau de questionnements qui traversent l’acte de création artistique, son rapport à la mémoire, à l’institution, à la visibilité ou encore à la totalité. L’archive, cette «impatience absolue du désir de mémoire» évoquée par Derrida, devient alors cet outil propice à révéler les traces matérielles du passé mais surtout la preuve qu’un présent se fait jour à chaque instant.
L’impact de l’image est d’autant plus important lorsque se fixe l’inexplicable. Dans la série de dessins réunie sous le titre Algérie année 0 (2011),Dalila Dalléas Bouzar utilise les archives photographiques comme moyen de faire émerger la mémoire de la guerre d’Algérie et celle de la «décennie noire ». Selon l’artiste, le titre évoque le commencement, celui du temps du souvenir, de l’être ensemble, car se souvenir c’est se construire individuellement et collectivement. Ainsi, les images choisies sont autant d’icônes dont l’artiste reconfigure la sémantique en reproduisant des bribes, des détails, laissant au spectateur le soin d’en recomposer les lacunes. Ici, le mouvement de la mémoire est double et quasi-synchronique. D’une part, l’artiste fait appel au mécanisme du souvenir du regardeur dans un mouvement de remémoration de l’image-symbole et d’autre part, c’est la mémoire même de l’événement historique qui resurgit face à cette image. La guerre de libération servirait alors à alimenter et à fabriquer le présent, les deux événements se faisant écho par le truchement de la violence générée mais aussi par la manipulation idéologique dont ils font l’objet. Ainsi, par un effet d’anamnèse, Dalila Dalléas Bouzar révèlerait les failles d’un travail de mémoire non abouti dans la construction de l’imaginaire social, ce devenir ensemble.
Dans une volonté analogue d’interroger l’histoire, Ammar Bouras investit le réel de l’image documentaire en se la réappropriant par diverses manipulations dans la vidéo Ez-Zaïm, le roi est mort, vive le roi (2002-2003). Déjà filtrées par le média télévisé, cet artefact historique qu’est l’image informative acquiert un sens nouveau par le détournement, procédé dont l’artiste est coutumier. Se succédant au rythme solennel de la Shahrazade du compositeur Rimski-Korsakov, des mains se détachent peu à peu d’un fond saturé, battant la cadence. Ces mains anonymes qui semblent acclamer ou se tournent en oraison vers le ciel répondent à la gestuelle officielle du président Abdelaziz Bouteflika enlaçant et flattant ses interlocuteurs. Fonctionnant comme autant de repères, l’artiste choisit d’explorer la mémoire collective des algériens en mobilisant les rituels et les symboles du politique dans lequel, par un retournement ironique, la main renverrait à l’imaginaire qui entoure la khamsa protectrice. Dénonçant les abus d’un système dont les médias se font le relai, l’artiste confronte la figure du chef charismatique (zaïm) à la mémoire du traumatisme non assumé de la « décennie noire » dans une succession de références à la violence de cette période de terrorisme qui a marqué le pays durant les années 1990 (visage cagoulé du « ninja », fond rouge, son saturé).
Avec Un seul héros : le peuple, mon père (2012), Mustapha Sédjal s’attache à démonter le mécanisme de la mémoire instituée, celle qui, comme le montre l’analyse webérienne, sert de fondement à toute prétention à la légitimité du pouvoir. A partir de la photographie des six chefs historiques du FLN à l’origine du déclenchement de la guerre de libération le 1er novembre 1954, l’artiste interroge la portée mythique de l’événement fondateur. Erigée en symbole, l’image sert de point d’appui à une fiction où les éléments personnels viennent étroitement se mêler à l’imaginaire national. C’est en invoquant la mémoire de son père résistant qu’il tente d’humaniser le discours politique officiel qui ne reconnaît comme seul héros de la libération cette entité plurielle : al miliun wa nisf šahid («le million et demi de martyrs»). En s’appuyant sur une mise en scène qui fait appel à la multiplicité des supports (installation, dessins, peintures, vidéos), Mustapha Sédjal confronte une histoire algérienne comprimée où l’excès commémoratif ne semble plus parvenir à contenir les mécanismes de la mémoire individuelle. Loin de l’aspect revendicatif, l’œuvre se donnerait alors à voir comme ce point intermédiaire résorbant les tensions entre mémoire individuelle, mémoire collective et mémoire historique. L’émergence de la subjectivité propre à toute création s’élèverait en ce lieu fragile, celui d’une histoire dont la tradition nationaliste a savamment élaboré les ressorts de l’occultation.
En Algérie, la guerre de libération et la « décennie noire » sont les deux événements qui ont marqué l’histoire du pays à la fois par le tragique de la violence et par la manipulation mémorielle dont ils ont fait l’objet. Des faits historiques qui ne parviennent pas à être définis, sauf par l’euphémisation («événements») voire l’absence (« Guerre sans nom », « guerre invisible »). Evoquant les années de terrorisme, la journaliste et écrivain Salima Ghezali affirme que l’absence de visibilité n’est pas tant problématique que l’absence de tout ce qui peut donner un sens aux images et c’est bien cela qui est en jeu dans le travail des trois artistes réunis par Karima Célestin dans l’exposition Amnesia. Tant durant la guerre d’indépendance algérienne que durant la « décennie noire », les images ont constitué un enjeu politique. Si, aujourd’hui, à l’ère de la numérisation, l’image tend à se démultiplier, le risque de l’oubli réapparaît sous la forme de la dilution et de l’indifférenciation devant ce trop-plein, mettant en question le sens de la mémoire. Comme le précisait Pierre Bourdieu, « le travail d’anamnèse de l’inconscient historique est l’instrument majeur de maîtrise de l’histoire, donc du présent », l’artiste, ce producteur de sens, permettrait de rendre visible ce processus de rappel nécessaire en évitant l’écueil de la « tyrannie de la mémoire ».
Fanny Gillet
Group show I dessin I installation I vidéo I photo I sculpture
Anabelle Soriano I Damien Valero I Félix Pinquier I Mustapha Sedjal I Pascal Toussaint I Sami Trabelsi
Exposition du 22 septembre au 27 octobre 2012.
Vernissage et inauguration.
L’enjambement d’une frontière réelle ou imaginaire
Pour cette nouvelle exposition hors les murs, Karima Celestin, en tant que commissaire, a choisi d’aborder une question qui lui tient beaucoup à cœur : celle du lien entre les différents média et l’importance du trait en tant que passerelle ou frontière.
Avec Anabelle Soriano, Damien Valero, Félix Pinquier, Mustapha Sedjal et Sami Trabelsi, cinq artistes aux approches et aux parcours différents, pour traiter ce sujet chacun à leur manière.
Le dessin étant volontairement le medium le plus usité de cette exposition, fait de Crossing Over un événement off du salon du dessin contemporain, singulier et incontournable.
"Crossing over" est la dernière exposition que j'ai organisée à Paris avant de quitter la capitale. C'est comme une sorte de "Pause", le temps de m'installer dans ma nouvelle vie et ma nouvelle ville: Marseille.
Il m'a semblé logique d'inaugurer ma galerie marseillaise par une deuxième édition de "crossing over"qui s'intitulera "Click here to resume".
C'est comme quand on reprend sa lecture au chapitre où on a posé son livre...
Pour ceux qui n'ont pas pu venir à Paris en Mars 2011, cet événement vient à eux en s'enrichissant de nouvelles oeuvres. Cette exposition réunira à nouveau les artistes: Anabelle Soriano, Damien Valero, Félix Pinquier, Mustapha Sedjal, Pascal Toussaint et Sami Trabelsi. Elle aura lieu du 22 septembre au 27 octobre 2012, avec un vernissage le samedi 22 septembre pendant lequel sera célébrée l'inauguration de ce nouvel espace à Marseille.
Karima Celestin
galerie karima celestin
art contemporain | contemporary art