Fallible witnesses
Kapwani Kiwanga
Solo show I vidéo I installation
Exposition du 30 août au 18 octobre 2014
Vernissage le samedi 30 août de 16h à 22h en présence de l'artiste et dans le cadre de la nuit des galeries organisée par Marseille expos.
Brunch et visite guidée pour les enfants le dimanche 31 août de 13h à 17h.
Atelier pour les enfants sur le thème de l'exposition à 15h.
FLOWERS FOR AFRICA
Célébrations, dédicaces, commémorations, condoléances... voilà les actions, sentiments, et devoirs divers qu’emmagasine cette œuvre qui prévoit de se consacrer à rendre hommage à un continent tout entier. Flowers For Africa (Des Fleurs pour l'Afrique) est un projet en cours de Kapwani Kiwanga qui entend réinterpréter des bouquets et autres arrangements de fleurs et de plantes présentés pendant la transition vers l'indépendance (ou un événement historique connexe pour ce qui est de l'Ethiopie) dans ses 54 pays.
Comme à son habitude, Kiwanga s'est plongée dans une recherche de documents d'archives concernant les cérémonies officielles, les réunions, défilés ou les tables de négociation qui témoignent des différentes mises en scène de transfert de pouvoir au 20e siècle. Les preuves visuelles disponibles suggèrent que les formats variaient en fonction de la puissance coloniale sur le départ, allant de la haute diplomatie ou même du grand apparat royal lorsque les liens étaient avec le Royaume-Uni, à des cérémoniels plus bureaucratiques et sobres, ou même parfois la discrétion dans d'autres circonstances. Toute forme d'hospitalité a ses propres codes de spectacle et de décorum et le rituel de l'accueil implique généralement un étalage ou une offrande de fleurs. La gestion de ces cadeaux en arrière plan peut sembler insignifiante comparée au poids historique de ce qui est marqué pour l'occasion. Pourtant, il est intéressant de s'interroger sur les connexions de l'industrie horticole avec les flux et les accords commerciaux internationaux. D'où venaient les différentes fleurs sélectionnées? Étaient-elles indigènes ou livrées par avion pour l'occasion, et, dans ce cas, d'où venaient-elles, de quel climat et à quel prix? Les réponses à certaines de ces questions sont révélatrices du statu quo alors en vigueur, et des futurs développements des échanges économiques. Kiwanga collectionne des photographies datant de 50 ou 60 ans qui incluent ces arrangements floraux et, avec l'aide de fleuristes et d'autres experts, elle identifie les espèces probables. Les décisions qu'elle doit prendre pour une adaptation au présent impliquent nécessairement une connaissance accrue des spécificités de l'industrie aujourd'hui.
La première manifestation du projet Flowers for Africa de Kiwanga pris forme durant sa résidence à Dakar, Sénégal, pour préparer l'exposition « Cyclicités » curatée par le collectif On The Roof à la Galerie Le Manège en 2013. (1) L'installation était composée d'un vase, 70 oeillets, 20 anémones, de bougainvillier, ainsi que trois socles et plaques, basée sur des images trouvées aux archives nationales, aux archives du Ministère de la communication et de la bibliothèque d'images de l'I.F.A.N. (Institut Fondamental d'Afrique Noire). Fraîches et resplendissantes pour le vernissage, les fleurs ne sont pas spécialement préservées, laissant libre cours à leur cycle naturel. Comme dans la narration d'un conte, le passé est momentanément ramené à la vie pour être nouvellement considéré, jusqu'à la prochaine incidence. Un travail apparemment éphémère sur la mémoire, faillible, d'une grande richesse, comme l'oralité ou la photographie.
A l'occasion de cette exposition à la galerie Karima Célestin, « Fallible witnesses » (Témoins faillibles), une description écrite d'un bouquet dans une photographie relatant l'actualité de la Fédération du Mali (qui se sépare ensuite pour devenir le Sénégal et le Mali) évoque l'incarnation précédente du projet dans un mode plus conceptuel, mais d'ordre permanent. Quatre bouquets sont reconstitués faisant référence aux bacs à fleurs dans l'arrière plan d'un discours ducal au Tanganyika (l'actuelle Tanzanie) en 1961, aux bouquets suspendus dans un stade en Ouganda en 1962, aux glaïeuls portés en triomphe par Benyoucef Benkhedda en Algérie en 1962, au bol de fleurs coupées sur une table destinée à une négociation majeure entre Frelimo (Front de Libération de Mozambique) et le Portugal en 1975.
Le fait de se focaliser sur des détails en apparence mineurs au sein des processus d'officialisation des indépendances est associé à la tradition de la nature morte aux symbolismes complexes et chargés au sein de l'histoire de l'art. En effet, un des bouquets sénégalais était tricolore (bleu, blanc, rouge), composé pour être donné au président Charles de Gaulle.
Une autre œuvre présentée dans cette exposition est la vidéo intitulée Vumbi (Poussière, 2012), filmée au bord d'une route rurale en Tanzanie. Kiwanga nettoie méthodiquement la poussière rouge déposée sur un buisson, révélant une bande verticale de verdure. Les fleurs font souvent parties des ingrédients d'un foyer, du bien-être domestique, pour leur pouvoir de réconfort malgré leur fragilité et leur impermanence. Une forme de catharsis créative est à l'œuvre.
« La culture est le miroir d'une communauté en mouvement. La culture est pour la communauté ce que la fleur est pour une plante. Une fleur est très belle à voir. Mais elle est le résultat des racines, du tronc, des branches et des feuilles. Mais la fleur est spéciale puisqu'elle contient les graines qui sont l'avenir de cette plante. Tout en étant le produit d'un passé dynamique, elle est prégnante du lendemain. » Ngũgĩ wa Thiong'o (2)
Caroline Hancock
Août 2014
Notes
1. « Cyclicités », Galerie Le Manège, Dakar, Sénégal, février-mars 2013. Curatée par On The Roof (Elise Atangana, Yves Chatap, Caroline Hancock). Avec des œuvres de Steeve Bauras, Victor Omar Diop, Kapwani Kiwanga.
2. Ngũgĩ wa Thiong'o, « Speaking My Language », discours à l'occasion de la remise des prix littéraires du Sunday Times, 2012. Accessible le 17/08/14 : http://bookslive.co.za/blog/2012/06/25/speaking-my-language-ngugi-wa-thiongos-address-at-the-2012-sunday-times-literary-awards/











