The system needs an update
Mustapha Sedjal
Solo show I vidéo I installation I dessin I sculpture
Exposition du 15 mars au 03 mai 2014.
Vernissage le samedi 15 mars à 18h.
Brunch et visite guidée pour enfants et adultes le dimanche 13 avril de 13h à 17h.
Atelier pour les enfants sur le thème de l'exposition à 15h en présence de l'artiste.
La feuille de papier. La page blanche. Vide ? Voilà le sujet et l'objet de cette nouvelle exposition de l'artiste d'adoption clichoise, Mustapha Sedjal. S'agit-il d'en disposer, ou de la remplir ?
Ce matériau n'a rien de nouveau dans son œuvre où le dessin et le bateau plié en origami sont des constantes. Néanmoins cette fois, le percement remplace le trait, et le froissement informe prédomine sur toute représentation.
Des supports en papier sont poinçonnés minutieusement à l'aiguille pour créer diverses séries de dessins en fragments. Le relief est perceptible sur la surface. Comme des piercings ou des scarifications, une peau est marquée. Des mains sont expressives mais muettes, comme frappées de l'amnésie potentielle qui hante Sedjal. La question de la mémoire et de l'histoire, et des dangers de leur effacement, ont toujours été au cœur de son labeur d'artiste. Le suivi des pointillés et le colmatage d'une absence peuvent-ils conduire à la suture ? Ailleurs, une odalisque partage une page avec un tirailleur sénégalais dans un amalgame de clichés inspirés de Peau Noire, Masques Blancs (1952) de Frantz Fanon dont on citera l'extrait signifiant suivant : « Si le Blanc me conteste mon humanité, je lui montrerai, en faisant peser sur sa vie tout mon poids d’homme, que je ne suis pas ce 'Y a bon banania' qu’il persiste à imaginer. »1 Banania est la marque française de chocolat en poudre dont le packaging et les campagnes publicitaires furent longtemps ancrés dans l'univers colonial. Sedjal convoque justement ces persistances et suggère ainsi à quel point il est urgent de revisiter ce « chaos bordélique »2 et de lutter contre les dérives à répétitions3. On pourrait les rapprocher desCollages (2011-2012) de Kader Attia.
Le système a besoin d'une mise à jour. The System Needs An Update : ce passage par la langue anglaise dans le titre de l'exposition apparaît comme une possible tactique pour se distancier du poids de l'histoire coloniale de son pays d'origine, l'Algérie. Kateb Yacine décrivait la langue française comme le « butin de guerre » des Algériens. Sedjal se saisit de cette complexité et en souligne les traces. A l'aune des nouvelles élections présidentielles algériennes imminentes, il semble insinuer qu'elles sont une étape parmi d'autres, que les « printemps » sont le début d'un cycle, et que le néocolonialisme n'est que trop présent. Dans sa vidéo Echo datant de 2012, il citait déjà un extrait du film La Bataille d'Alger de 1966 : « Tu sais, Ali, commencer une révolution n'est pas facile, la continuer est plus difficile. La gagner encore plus. Mais ce n'est qu'après notre victoire que commenceront les vrais difficultés. En un mot, il y a encore beaucoup à faire. »
En témoignage d'un vécu personnel, Sedjal a réalisé le 1er novembre 2012 la performance Un Seul Héros, le Peuple... mon père. Inspiré par une photographie des graffitis sur les murs de la ville d'Alger prise par Marc Riboud le 2 juillet 1962, Sedjal a rejoué et détourné l'inscription de cette phrase peinte en noir d'ordre révolutionnaire dans le cadre de l’exposition Amnesia à la galerie Karima Célestin (où elle est encore visible à ce jour).
Dans la nouvelle vidéo à dessein... (2014), les plans alternent entre une pile de papiers, le froissement même, la consultation attentionnée d'un cahier qui est vide et sa fermeture abrupte. Ces focalisations sur des actions manuelles performées rappellent les œuvres de Bruce Nauman ou, plus récemment, Jimmy Robert par exemple. Le son capte le travail, la cadence, la détermination, le bruit du papier manipulé. Sedjal parle d'une feuille de route et de déroute. La volonté est mise à l'épreuve d'une abstraction en continu. Quand pourra-t-on s'émanciper de la pensée unique quelle qu'elle soit ?
Caroline Hancock
Février 2014
Notes
1. Paris, Les Éditions du Seuil, 1952, p. 206-7.
2. Ce terme fut utilisé par l'artiste dans un entretien avec A. Walid, « L'artiste face au chaos social. Vers une esthétique bordélique », La Voix de l'Oranie, 30-31 mai 2001.
3. Des accrochages comme celui de la salle intitulée « Odalisques modernes » dans Modernités Plurielles (2013) au Centre Pompidou à Paris mériteraient sans doute une interrogation profonde.








